Aurélie Van Dijk est chef de projet pédagogique. En répondant à quelques questions, elle fait le point sur la façon dont les neurosciences façonnent les dispositifs de formation.
Quels sont les grands principes pédagogiques qui bénéficient de l’apport des neurosciences ?
Les méthodes pédagogiques actives ! Celles dont les techniques (comme la mise en situation, le jeu de rôles, les exercices pratiques) mettent le stagiaire en mouvement. En effet, pour fonctionner, le cerveau a notamment besoin de glucose ; or il se trouve que l’activité physique favorise son accès aux cellules nerveuses. Ajoutons que diversifier ces techniques permet de rythmer la formation ce qui favorise le maintien de l’attention des stagiaires, processus cognitif indispensable à l’apprentissage. Un autre point, ces mêmes techniques sollicitent plusieurs sens dont la vision, l’audition et le toucher… et cette approche multisensorielle améliore significativement l’ancrage de l’information.
Est-ce que les neurosciences impactent particulièrement la formation continue pour adulte ?
Oui ! ce n’est que récemment, vers les années 90, que nous avons découvert que de nouveaux neurones se formaient à partir de cellules souches nerveuses à l’âge adulte. Jusqu’alors, nous pensions que nous naissions avec un stock de neurones qui se réduisait progressivement au cours de la vie. Ce phénomène de création de nouveaux neurones, appelé neurogenèse, se produit au niveau de l’hippocampe, région cérébrale essentielle pour la mémoire et pour l’apprentissage. Nous en avons également conclu qu’apprendre tout au long de la vie permet de mieux enregistrer et de remédier à la démence sénile. Avant ces découvertes, la formation pour adulte pouvait paraître aberrante à la lumière des connaissances neuroscientifiques de l’époque ! Aujourd’hui, elle devient totalement pertinente. Il est même indispensable qu’elle soit encouragée !
La digitalisation, ou le e-learning, comme les neurosciences sont très à la mode en ce moment… peut-on les lier pédagogiquement ?
La digitalisation est notamment associée au développement d’outils « gamifiés » comme les « serious game » qui sollicitent le circuit cérébral de la « récompense ». L’activation de ces structures s’accompagne d’une sensation de satisfaction. Cette activation joue donc un rôle clé dans la motivation du stagiaire. Quand il joue, ses points sont comptabilisés, il gagne des badges ou des médailles, il monte dans les premières places du classement… en un mot, il reçoit des feedbacks positifs. En utilisant un tel procédé, le stagiaire sera motivé à jouer de nouveau et apprendra d’autant mieux le contenu délivré. Par ailleurs, grâce à des plateformes LMS (Learning Management System), l’apprenant peut avoir accès au contenu spécifique de sa formation à distance et à tout moment sur son ordinateur, sa tablette ou sur son mobile. Ce côté accessible facilite la répétition régulière sur le long terme de ce contenu (en amont et en aval de la formation), répétition essentielle à sa mémorisation durable. Par exemple, vous avez appris les tables de multiplication à l’école primaire. Si vous utilisez régulièrement votre calculatrice, ces tables ne seront pas répétées. Mais vous pouvez désormais installer une application pour réviser de manière ludique ces tables. Après un entraînement sur cette application, vous les connaîtrez de nouveau par cœur !
La digitalisation et l’attention nécessaire à l’apprentissage font-elles toujours bon ménage ?
Pas toujours justement… il est important de noter une des limites de la digitalisation, même si à mon sens, elle a entièrement sa place dans un dispositif de formation. Par exemple, lorsque la digitalisation prend la forme d’un module de formation distancielle, nous risquons en parallèle de recevoir un mail, un appel, un sms, ou juste consulter notre téléphone ou notre boîte de réception, faire des recherches sur internet… Tout cela éloigne momentanément notre attention du contenu du module. Ces distracteurs de par leur nouveauté et/ou leur valence émotionnelle sollicitent notre circuit de la récompense et peuvent potentiellement prendre le dessus sur ce module distanciel. « Je m’y remettrai plus tard ». Mais quand ? A distance, le formateur n’a pas la main sur ces distracteurs externes. Il doit donc redoubler d’ingéniosité pour stimuler la motivation de ses stagiaires par le sens donné au module, l’aspect ludique, créatif, la durée des séquences… afin de limiter l’impact de ces distracteurs très présents aujourd’hui !
Source : cultivezvostalents.fr
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