Remédier aux erreurs en physique chimie grâce à la classe inversée

par | Sep 17, 2017 | Pédagogie inversée

Prof de physique-chimie en lycée, Nicolas Vossier pratique la classe inversée depuis trois ans. Il a aussi mené une enquête sur son efficacité pour les élèves et les enseignants.

Nicolas Vossier était au CLICx, du 22 au 24 août 2017, pour présenter sa classe inversée en physique-chimie.

Nicolas Vossier était au CLICx, du 22 au 24 août 2017, pour présenter sa classe inversée en physique-chimie.

Professeur de physique-chimie au lycée Henri Laurens de Saint-Vallier, près de Grenoble, Nicolas Vossier est intervenu lors du CLICx / Ludovia, événement dédié à la classe inversée organisé par Inversons la Classe, en août 2017 à Ax-les-Thermes. Il revient avec nous sur la pédagogie qu’il a mise en place dans sa classe, et qui mêle “flipped classroom” et instruction par les pairs.

Pourquoi pratiquer la classe inversée ?

Je me suis rendu compte, un jour, que ma manière d’enseigner ne répondait pas à l’hétérogénéité de ma classe. Mon enseignement était classique, simultané, frontal, magistral. J’étais frustré, car je devais courir après un programme colossal, au détriment des élèves les plus fragiles. J’avais l’impression de ne réserver mon cours qu’aux “bons” élèves… Sans pouvoir accompagner et répondre suffisamment à ceux en difficulté.

Je me suis intéressé à la pédagogie Freinet, car ma femme travaille avec cette méthode depuis plus de 15 ans à l’école primaire : je constatais combien ses élèves étaient autonomes, responsables de leur apprentissage, et apprenaient avec plaisir. Mais difficile de mettre cela en place en lycée. J’ai ensuite découvert la classe inversée, et en 2014, j’ai décidé de transformer ma pédagogie.

Comment cette pédagogie, que vous avez présentée lors du CLICx, fonctionne-t-elle ?

Dans un premier temps, le fonctionnement est assez classique : une “mise en bouche” en classe des problématiques, en introduction de chapitre, et des apports de connaissance nécessaires pour pouvoir les traiter. Avec la classe inversée, je comprime le temps : les apports de connaissances ont lieu principalement sous la forme de capsules, visionnées en amont du cours, à la maison.

La classe inversée de Nicolas Vossier.

La classe inversée de Nicolas Vossier.

Je mets ensuite la leçon en application, en classe. C’est là que l’apprentissage se fait réellement, lors d’exercices pratiques et de travaux de résolutions de problèmes, en groupes, avec une forme d’instruction par les pairs.

Le temps que j’arrive à comprimer sur la partie transmissive (les leçons), je l’utilise ainsi pour faire des travaux de groupe et des exercices pratiques. Cela permet notamment de redonner toute sa place à l’oral en classe : les élèves ne sont plus privés de parole, mais peuvent s’exprimer – ce qui leur permet de s’expliquer des concepts et d’apprendre plus efficacement.

Vous avez aussi mis en place un système intéressant de badges et de balises…

Ce système vient en complément des évaluations plus traditionnelles, où j’évalue par compétences. L’évaluation par compétences permet de bien profiler un élève, d’avoir une image de ses points forts et de ses lacunes, mais elle ne constitue pas un bon outil de remédiation : il manque un moyen pour améliorer ensuite les points faibles décelés.

Mon système d’évaluation vient en parallèle. Pendant les travaux pratiques, notamment les tâches complexes, j’identifie les erreurs récurrentes des élèves, susceptibles de les bloquer, et je les associe à une balise (un “hashtag”). Quand je corrige une copie ou un exercice au tableau, si j’identifie une erreur récurrente, je note la balise correspondante à côté, pour que l’élève sache sur quoi travailler pour s’améliorer.

A chaque balise, correspond un badge. Les élèves possèdent tous un livret, contenant des exercices, qui permettent de revoir les mécanismes oubliés : je les renvoie vers cet outil, afin qu’ils puissent travailler les compétences de base qu’ils ne maîtrisent pas.

En parallèle, pour permettre aux élèves d’analyser leurs propres sources d’erreurs, nous faisons des Twidéfix : sur le même principe que les twictées, nous travaillons avec une classe miroir, via Twitter, lors de tâches complexes. La classe avec laquelle nous correspondons corrige les productions de mes élèves – mais sans donner de réponse : ils envoient juste des balises et des rappels à la règle. Puis ma classe fait la même chose vis-à-vis des réalisations de l’équipe d’en face. Ce travail de métacognition et d’analyse de l’erreur est spectaculaire : à la fin, l’élève est capable d’analyser et de catégoriser des erreurs, puis de faire des rappels à la règle. Il s’agit d’un outil de remédiation beaucoup plus puissant que les simples corrections d’exercices au tableau.

Lors du CLICx, vous avez aussi dévoilé une enquête, que vous avez coordonnée, et qui portait sur l’efficacité de la classe inversée… Quels en sont les principaux enseignements ?

La classe de Nicolas Vossier / Capture vidéo / Réseau Canopé

La classe de Nicolas Vossier / Capture vidéo / Réseau Canopé

Avec 13 enseignants de sciences physiques, pendant 9 mois, dans le cadre de travaux académiques mutualisés (TRaAM), nous avons interrogé 600 élèves et 70 enseignants, et nous avons mené des tests témoins avec des classes ne pratiquant pas la flipped classroom –  afin de faire un état des lieux des pratiques, et d’examiner la plus-value de la classe inversée. Elle se trouve dans le changement de posture de l’enseignant, et surtout dans le gain de temps, première motivation des inverseurs. Ils retrouvent le plaisir d’accompagner les élèves les plus faibles, plutôt que de les laisser sur le côté, par manque de temps.

Bien sûr, plutôt que de faire de la classe inversée, on pourrait aussi envisager de réduire le programme… Mais nous, enseignants, n’avons pas la main sur cette question. Il nous faut trouver des leviers nous permettant d’accompagner les élèves, dans un contexte où la massification s’accélère au lycée, et où l’hétérogénéité explose dans les classes.

Une fois que le professeur est débarrassé de ce sentiment de courir après le temps et de laisser des jeunes sur le côté, et qu’il sait qu’il a du temps pour expérimenter et mettre en place des stratégies de différenciation, il ressent un sentiment de plaisir et d’efficacité qui n’a pas de prix.

En réintroduisant l’activité en classe, il est largement plus apte à comprendre la nature des erreurs de ses élèves : autrefois, il ne voyait pas ces derniers plancher sur des exercices (puisqu’ils les réalisaient chez eux), et ne comprenait donc pas pourquoi certains s’arrêtaient en cours de route – le plus souvent, suite à un problème de lecture de consigne, qui peut désormais être résolu en classe.

Selon notre enquête, 77% des enseignants ne pratiquant pas la classe inversée pensent que les interros sont le meilleur moyen de repérer les lacunes des élèves. Or, ce diagnostic arrive à la fin, trop tard pour apporter une vraie remédiation. Les profs “inverseurs” estiment à contrario, à 70%, que le moment où ils analysent le mieux les difficultés d’un élève se situe en classe, lors de la mise en activité – par dessus l’épaule. Immédiatement, ils peuvent apporter un feedback et une remédiation, bien avant l’évaluation finale.

Chez les élèves, il est plus difficile d’analyser l’efficacité de la classe inversée, mais le travail de groupe, le fait de ne pas être seul chez eux à travailler sur des exercices, chasse chez eux un sentiment d’incompétence et de découragement ressenti quand ils sont bloqués. Ils se sentent réellement accompagnés par leur enseignant, et apprennent dans de meilleures conditions.

Fabien Soyez

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